Orientations

Texte d’o­rien­ta­tion SUD EDUCATION LOT-ET-GARONNE

Assemblée géné­rale du 22 sep­tembre 2022

Ce texte adopté en Assemblée Générale contri­bue à défi­nir la ligne poli­tique du syn­di­cat Sud Education Lot-​et-​Garonne, qui en tant qu’en­tité auto­nome et sou­ve­raine ne s’o­riente qu’en fonc­tion des dis­cus­sions ayant lieu entre ses membres. Au-​delà de ce qui est déjà ins­crit dans nos sta­tuts et que nous par­ta­geons pour l’es­sen­tiel avec le reste des syn­di­cats de notre fédé­ra­tion, il nous semble impor­tant de pré­ci­ser notre concep­tion du syn­di­ca­lisme, et les rai­sons de notre atta­che­ment aux prin­cipes fon­da­teurs des syn­di­cats « SUD » (pour « Solidaires, Unitaires, Démocratiques »), afin d’é­clai­rer et d’o­rien­ter nos pra­tiques. Si les posi­tions de notre syn­di­cat sont néces­sai­re­ment appe­lées à évo­luer, confor­mé­ment à l’i­dée d’une auto­dé­ter­mi­na­tion des adhé­rents qui n’ac­cepte aucun prin­cipe exté­rieur et indis­cu­table mais peut reve­nir pério­di­que­ment sur ses propres déci­sions, il s’a­git néan­moins de réaf­fir­mer quelques élé­ments de base du syn­di­ca­lisme de lutte, trop sou­vent igno­rés des syn­di­cats majo­ri­taires, et sou­vent des fédé­ra­tions Sud Education et Solidaires elles-​mêmes. En par­ti­cu­lier, rap­pe­ler la rai­son d’être des syn­di­cats, à savoir l’exis­tence d’un conflit, qui exige de pen­ser, outre les moyens de se défendre, les condi­tions de son dépas­se­ment. Pour cela, il faut essayer de sai­sir où passe réel­le­ment la ligne de front, et par quels sen­tiers on s’égare.

Dans une société repo­sant sur la sépa­ra­tion du Capital et du Travail, les tra­vailleurs n’ont pas la maî­trise de leur acti­vité, ni de leur vie en géné­ral. Ils sont lit­té­ra­le­ment « pro­lé­taires », doivent vendre à un tiers les seules choses qu’ils pos­sèdent : leur temps et leur force de tra­vail, c’est-​à-​dire eux-​mêmes. Le sala­riat devient la forme moderne de l’ex­ploi­ta­tion. Pour empê­cher leur réduc­tion totale à un simple rouage de la machine de pro­duc­tion, les tra­vailleurs ont pu s’or­ga­ni­ser col­lec­ti­ve­ment pour offrir des points de résis­tance au bull­do­zer capi­ta­liste : le regrou­pe­ment en syn­di­cats pour se défendre en tant que tra­vailleurs, a fait émer­ger une conscience de classe qui n’as­pi­rait pas sim­ple­ment au ren­ver­se­ment des maîtres du capi­tal, mais à la dis­pa­ri­tion de la société du tra­vail sala­rié et des inéga­li­tés qu’elle engendre inévi­ta­ble­ment. Le texte fon­da­teur de la Charte d’Amiens (1906) pré­cise ainsi la « double besogne » des syn­di­cats : atté­nuer au quo­ti­dien les effets du capi­ta­lisme sur l’exis­tence des tra­vailleurs (dimen­sion réfor­miste), et pré­pa­rer son dépas­se­ment en pro­mou­vant l’auto-​organisation (dimen­sion révolutionnaire).

Se récla­mer du syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire ne signi­fie pas appe­ler à la révolte émeu­tière cen­sée chan­ger du jour au len­de­main l’en­semble des rap­ports humains, sitôt que l’on aura des­ti­tué telle ou telle figure de l’au­to­rité ; cela signi­fie que la réunion des tra­vailleurs à la base, et leurs pra­tiques d’auto-​organisation, doivent s’ef­for­cer de pré­fi­gu­rer la société qui devra suc­cé­der à l’a­bo­li­tion du sala­riat et de toutes les domi­na­tions. Il faut à la fois faire corps contre le patro­nat au jour le jour et prô­ner une trans­for­ma­tion radi­cale de toute la société.

Bien des obs­tacles se dressent sur la route d’une orga­ni­sa­tion « Solidaire, Unitaire, et Démocratique ».

La « soli­da­rité », deve­nue slo­gan apo­li­tique de toutes les grandes causes natio­nales et média­tiques, ne passe plus par la conscience de classe, et n’a plus rien d’é­vident pour une quan­tité crois­sante de tra­vailleurs deve­nus apa­thiques ou indif­fé­rents, rési­gnés ou fata­listes, vic­times naïves de l’in­di­vi­dua­li­sa­tion des car­rières, ou de la chasse au bouc émis­saire encou­ra­gée par un patro­nat qui parie désor­mais sur la droite extrême pour se maintenir.

Dans un même mou­ve­ment, l »« unité » pos­sible des tra­vailleurs est ron­gée par le mor­cel­le­ment du tra­vail en branches, cor­po­ra­tions, sta­tuts, caté­go­ries, qui donnent le sen­ti­ment que chaque sala­rié est en concur­rence avec tous les autres, que des avan­cées obte­nues dans une branche se paie­ront de reculs dans une autre, et que l’at­ten­tion des gou­ver­nants ira à ceux qui parlent le plus fort, ou appa­raissent le plus dans les médias. Les syn­di­cats sont vus comme (et sont par­fois réel­le­ment) des lob­bys essayant de tirer la cou­ver­ture à eux, sans aucune vision glo­bale ni pro­jet col­lec­tif. Au sein de l’Education Nationale, il ne reste plus grand chose de l’i­dée que tous les tra­vailleurs d’un même lieu de tra­vail, au-​delà de la divi­sion des tâches (équipes tech­niques et péda­go­giques, pro­fes­seurs du pri­maire et du secon­daire, du géné­ral et tech­nique et du pro­fes­sion­nel) et des sigles dans les­quels les enferment l’ad­mi­nis­tra­tion (CPE, AED, AESH, ADJAENES…), par­ta­ge­raient les mêmes inté­rêts et for­me­raient donc un groupe dont l’ho­ri­zon­ta­lité impli­que­rait l’é­ga­lité de tous.

Enfin, la dimen­sion « démo­cra­tique » de l’or­ga­ni­sa­tion syn­di­cale dis­pa­raît peu à peu de la pra­tique réelle, au-​delà des décla­ra­tions d’in­ten­tion conte­nues dans les sta­tuts et règle­ments inté­rieurs. La ten­dance à la bureau­cra­tie, qui entraîne l’au­to­no­mi­sa­tion des ins­tances cen­trales par rap­ports aux syn­di­cats locaux, et des syn­di­cats eux-​mêmes par rap­port au monde du tra­vail, semble gagner les fédé­ra­tions Sud Education et Solidaires, pour­tant créées sur des bases auto­ges­tion­naires et anti-​hiérarchiques. En découle une ten­ta­tion de détour­ner l’or­ga­ni­sa­tion fédé­rale pour se livrer, entre autres aber­ra­tions, à une com­mu­ni­ca­tion tous azi­muts au nom de l’en­semble des adhé­rents de Sud Education, sans consul­ta­tion de ces der­niers. La réac­tion sys­té­ma­tique aux polé­miques qui font l’ac­tua­lité, l’hyper-​présence sur les réseaux sociaux, les prises de posi­tion défi­nies par des « spé­cia­listes » tra­vaillant en com­mis­sion et impo­sées par le haut à des syn­di­cats deve­nus spec­ta­teurs de leurs propres orien­ta­tions, vont indis­cu­ta­ble­ment à l’en­contre de l’é­la­bo­ra­tion col­lec­tive de nos posi­tions, du débat ouvert et argu­menté, du temps néces­saire à l’appropriation des enjeux d’une dis­cus­sion, qui doivent dans la mesure du pos­sible débou­cher sur un consen­sus, afin que cha­cun puisse se recon­naitre dans les mots d’ordre et reven­di­ca­tions qu’il ou elle aura contri­bué à élaborer.

A par­tir de ce constat, Sud Education Lot-​et-​Garonne affirme : 

    • que le syn­di­ca­lisme doit conser­ver une dimen­sion révo­lu­tion­naire, et oeu­vrer dans le sens d’une trans­for­ma­tion radi­cale de la société ;

    • que tous les per­son­nels de l’é­du­ca­tion natio­nale forment un même groupe, sans dis­tinc­tion de caté­go­ries et de statuts ; 

    • que tous les tra­vailleurs, quel que soit leur sec­teur, forment un même groupe qui doit retrou­ver une conscience de lui-​même, et que la pra­tique inter­pro­fes­sion­nelle est indis­so­ciable de l’ac­ti­vité syndicale ; 

    • qu’au sein du syn­di­cat, tous les adhé­rents sont égaux ;

    • que le syn­di­cat local est auto­nome et s’o­riente selon des prin­cipes éla­bo­rés col­lec­ti­ve­ment, au cours de dis­cus­sions où toutes les idées peuvent s’ex­pri­mer et où sont ban­nis les argu­ments d’au­to­rité et autres pos­tures moralisatrices.